Jean-Luc Bennahmias : au centre l'herbe est plus verte

Publié le par MoDemEcolo

Jean-Luc Bennahmias : au centre l'herbe est plus verte
LE MONDE | 22.05.07 | 15h13  •  Mis à jour le 22.05.07 | 15h13
 
Député européen et ancien secrétaire national des Verts Jean-Luc Benhamias a largué les amarres de ce parti pour rejoindre le MoDem de François Bayrou. | AFP/PIERRE VERDYIl n'appelle pas à la scission et ne veut pas faire de vagues chez les Verts. Juste larguer les amarres, après vingt ans de militantisme, pour rejoindre François Bayrou. L'annonce du transfert de Jean-Luc Bennahmias au Mouvement démocrate a stupéfait le petit monde écolo. On savait la figure historique Verte lasse des querelles intestines, peu favorable à la candidature de Dominique Voynet, ayant pris ses distances avec la doxa écolo. Mais le retrouver chez les centristes... La nouvelle a laissé ses amis sans voix.

 

Le député européen aurait pu être dénoncé comme l'"Eric Besson des Verts", le Iago, le traître. Mais on sent peu de rage dans les rangs. Juste de l'incompréhension pour un "copain en errance". Lui, au contraire, "renaît". Il se sent "libre", "heureux". Au centre mais toujours à gauche, jure-t-il. En participant, jeudi 24 mai, à la première initiative publique du MoDem, il dit vouloir "être au meilleur endroit pour faire de l'écologie" face à un gouvernement Sarkozy qui lui "fait peur". Son regard bleu sous ses paupières tombantes s'anime alors et les mots se précipitent.

LA TRIBU "ÉCOLO-GAUCHO-LIBERTAIRE"

Si l'ancien agitateur des années 1970 a laissé tomber sa boucle d'oreille, longtemps sa marque identitaire, il n'a pas perdu le débit saccadé des militants. Encore une fois, celui qui a participé régulièrement aux rassemblements de l'"Appel du 18 joint" en faveur de la légalisation du cannabis et qui ne manque aucune manifestation étudiante, pour mieux sentir l'air politique dans la jeunesse, tente de convaincre qu'il a fait un "choix logique". Même si celui-ci peut paraître baroque au regard de sa trajectoire militante.

C'est chez les Amis de la Terre que l'écolo-libertaire entame son long cheminement politique. Ce fils d'un pasteur de Montreuil, juif converti, avait d'abord passé quelques années aux Eclaireurs de France. Il fait un tour par le Parti socialiste unifié (PSU), mais manifeste avec la Ligue communiste pour être dans le "mouv'". Il tâte en parallèle au journalisme militant en participant, à 20 ans, au lancement d'Antirouille, puis en rejoignant La Gueule ouverte. C'est l'époque de la tribu "écolo-gaucho-libertaire", de la vie en communauté, des radios libres et de la recherche frénétique d'un espace alternatif.

Le jeune étudiant en histoire regarde tout ce qui bouge, passe quelques mois chez les "pablistes" des Comités communistes pour l'autogestion, lorgne vers l'Allemagne, où se lancent les Grünen. En 1985, quelques groupuscules fondent les Verts. Il en est. Mais c'est pour mieux appeler à l'"ouverture" de l'espace écolo en direction des "alternatifs".

TENIR LA BOUTIQUE VERTE

C'est encore cette même ligne qu'il défend lors de la présidentielle de 1988 en lançant un quotidien, Vivant, qui soutient deux candidats : Antoine Waechter, des Verts, et Pierre Juquin, transfuge du PCF. L'expérience plonge ses finances dans le rouge, mais il n'en démord pas : c'est hors appareil qu'il faut encore et toujours promouvoir l'écologie.

Pour l'heure, il rentre au bercail Vert et soutient le premier courant de gauche, Verts pluriel, qui ose défier Antoine Waechter et son fameux "ni-ni", ni de droite ni de gauche. Il rejoint Yves Cochet, Alain Lipietz, Gérard Onesta et Dominique Voynet. "Nous décidons alors de jouer la carte Voynet pour la prochaine présidentielle", se souvient le député européen. C'est là que commence cette longue amitié, faite d'engueulades, de batailles communes. Jusqu'à la trahison.

Quand, en 1994, Waechter est battu, Bennahmias s'occupe de l'interne. En parfait Florentin, fin connaisseur des équilibres internes, il tient la boutique Verte quand Dominique Voynet devient ministre de l'environnement. C'est lui qui gère l'entrée de divers courants comme celui emmené par Noël Mamère, venu de Génération écologie. C'est lui encore qui prend langue avec syndicats, associations et mouvements sociaux. Le parti Vert semble en forme avec ses dizaines d'élus locaux, une ministre et 10 000 adhérents. A ses yeux, il était temps d'avoir un juste retour.

A l'approche des élections européennes de 1999, le fidèle "Ben" veut un siège de député. Mais, sur la liste paritaire, les hommes de la bande à Voynet sont nombreux à postuler. Bennahmias se voit concurrencer par Alain Lipietz et Gérard Onesta. Dominique tranche en faveur des seconds et demande au secrétaire national de "garder la maison".

"DINDON DE LA FARCE"

Il obtempère, mais il est fou de rage. "L'ambiance était atroce", se souvient-il. "L'épisode a beaucoup influencé sa trajectoire. Jean-Luc voulait une reconnaissance institutionnelle, Voynet ne l'a pas compris, il s'est senti trahi", remarque Patrick Farbiaz, un ami Vert de trente ans. Il obtient un poste au Conseil économique et social, mais cela ne lui suffit pas. Malgré les promesses, lors des législatives, en 2001, Mme Voynet, redevenue numéro un du parti, continue à oublier son lieutenant. Il ne doit son repêchage qu'à son ami marseillais Christophe Madrolles, qui lui laisse sa place face à Renaud Muselier (RPR). Il fait 19 % et goûte enfin l'ivresse d'une campagne. "Jean-Luc a toujours été le dindon de la farce", remarque Noël Mamère. Probablement parce qu'il a été un des rares à ne pas céder aux opérations de charme de la chef écolo.

La cassure est en tout cas irrémédiable. Il s'éloigne de la bande et regarde avec distance ce parti dont il n'est parvenu à changer ni les statuts, trop rigides, ni les règles de fonctionnement interne, sclérosantes. Lui, le gentil fêtard, le fan de foot qui ne peut vivre sans L'Equipe, commence à critiquer ouvertement ses camarades. Lâche des ballons d'essai pour "ouvrir" le parti à la galaxie écolo en proposant des "assises de l'écologie", puis des primaires avec Corinne Lepage et Nicolas Hulot. Rédige un appel dans Libération pour que ses amis soutiennent l'animateur de télévision, qui hésite à se lancer. "Il était le seul à pouvoir réussir la construction d'une écologie autonome", assure-t-il, encore déçu. Puis tente de convaincre la candidate Verte de se retirer au profit de Ségolène Royal. En vain. "J'ai quand même voté pour Dominique Voynet", jure le député européen.

Il ne veut plus aujourd'hui végéter dans la cour des petits et préfère partir disputer la tête du MoDem, à Marseille, à Jacques Rocca-Serra, patron de l'UDF locale. Les municipales sont proches, et le PS marseillais cherche des alliances. "Pour forger une nouvelle majorité progressiste, il faut forcer la voie par le centre", argumente-t-il, jurant "être toujours de gauche". Un "mirage politique", comme le préviennent ses amis ? Un "choix alimentaire", comme le tacle son collègue européen Onesta ? La réponse cingle : "Je suis enfin au coeur de ce qui se passe." 

Sylvia Zappi
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
F
je suis l'itinéraire de Jean-Luc Bennhamias depuis très longtemps... et je suis a peu près le même chemin (sans le faire exprès)depuis Antirouille (déjà du Orange !) et je suis très heureux de le retrouver au MoDem aujourd'hui ! C'était quoi le slogans de Antirouille (si ma mémoire de vieux est encore bonne !) "on n'est pas contre les vieux mais contre ce qui fait vieillir..." Courons vite Camarades... le vieux monde est derrière nous !
Répondre